Mince, c'est qu'il fait bon de se retrouver dans cet endroit. Je me rappelle, étant toute petite, être venue dans ce petit domaine modeste. Rien de trop grand ni rien de trop chic. Un rêve pour une jeune femme telle que moi. Je me souviens des heures passées à jouer dans le living avec Jesse, du tapis que nous avons taché de jus à nombreuses reprises. D'ailleurs il est toujours là, couvert de taches. Ce que j'apprécie des maisons ayant appartenues à des personnes âgées, c'est que rien ne change avec le temps. Cet endroit est resté le même pendant toutes ses années, empli de tous nos souvenirs d'enfance, et Dieu sait qu'ils sont nombreux.
Je me souviens que nous prenions notre bain ensemble parfois, dans cette jolie baignoire à l'émail mille fois retouché pour éviter les craquelures. Je me rappelle l'odeur de l'encens qui brûlait partout, ma grand-mère était très croyante de tout ce qui touchait à l'ésotérisme. On dirait qu'aujourd'hui, la maison est imprégnée de cette odeur, à moins que ce ne soit que mon nez, ou encore est-ce psychologique.
Le terrain est toujours immense, même s'il parait plus petit maintenant que je le regarde avec mes yeux d'adulte. La maison est un peu éloignée de la route, mais dans la limite du raisonnable pour une petite banlieue. Ce n'est pas la campagne ici, il y a des limites à l'éloignement. Je remarque avec joie que la pelouse a continué d'être entretenue après la mort de grand-mère, ainsi que le jardin. Cela veut sans doute dire que je n'aurai pas à me trouver de jardinier.
Jesse et moi retrouvons notre chambre. Nous y dormions ensemble quand il se faisait tard. Nous passions des nuits entières à rire, cachés sous l'édredon. Et nos parents venaient nous raconter de belles histoires. Il leur arrivait même de rire avec nous. Comme nous pouvons regretter cette époque. C'est triste qu'ils ne se soient jamais relevés après l'accident de Jesse. Ils auraient du prendre son exemple et continuer à vivre.
C'est ainsi que nous nous installons, défaisant nos boîtes avec entrain, jusqu'à ce que l'un de nous évoque un souvenir qui nous fait rire ou pleurer, soupirer ou sourire. Le travail n'avance pas très vite tant nous sommes distraits. J'espère seulement que nous pourrons rester ici et être heureux, sans recevoir ces horribles lettres.